Quand j’ai découvert le challenge que s’était lancé Neil Jomunsi avec le Projet Bradbury, j’ai été impressionné : écrire 52 nouvelles en 52 semaines ! Il vient juste de finir ce marathon d’écriture, entamé en août 2013. Vous pouvez découvrir tous ses textes sur son site, sur Amazon, iBookstore et Kobo.
Sachant moi-même ce que représente la rédaction d’une nouvelle, c’est tout naturellement que j’ai décidé d’interviewer cet auteur à propos de son processus d’écriture.
1. Bonjour Neil, peux-tu nous dire comment tu as fait pour trouver l’inspiration pour autant de textes, chaque semaine ?
Il suffit de regarder autour de soi. Je ne crois pas les auteurs qui disent ne pas avoir d’inspiration : honnêtement, n’importe quelle situation, vécue ou pas, n’importe quelle idée, est la base d’une histoire. Qu’elle soit intéressante ou non, c’est une autre question, et encore faut-il bien la traiter, mais le monde est suffisamment riche et complexe, et l’accès à l’information suffisamment facilité grâce à internet, pour trouver des idées à la pelle. J’ai écrit 52 nouvelles en un an, et si ce n’était que pour les idées, je pourrais en écrire 52 de plus sans aucun problème. L’inspiration est un non-problème pour moi : en ouvrant un peu les yeux et en faisant preuve d’empathie, toutes les histoires coulent de source.
2. As-tu appliqué une méthode particulière pour écrire tes textes et leur trouver une chute ?
La plupart du temps, j’ai laissé le texte et les personnages me conduire jusqu’à la fin de l’histoire, sauf dans le cas des nouvelles dites « à chute » où il vaut évidemment mieux savoir où on pose les pieds avant de se lancer. Je pense néanmoins que cette méthode ne vaut que pour les textes assez courts : pour les romans et les scénarios, il faut s’astreindre à une structure un peu moins floue et connaître au moins les pivots principaux avant de se lancer dans la rédaction. Les textes courts sont davantage un exercice qu’une vraie discipline.
3. Comment as-tu fait pour entretenir ta motivation tout au long du projet ?
Ça a été un combat de tous les instants. Franchement, certains jours, on n’a pas envie de se mettre à la table de travail. Pourtant, et je crois que c’est là la différence entre un amateur et quelqu’un qui aspire à un minimum de professionnalisme, il faut s’y coller, se forcer à écrire, même si on doit tout jeter au final (ce que l’on fait très rarement au final). La motivation est avant tout une question d’astreinte, de discipline donc. On ne peut pas toujours avoir le sourire aux lèvres en écrivant, surtout quand on en est à la quatrième correction d’un texte. Il faut que les choses soient faites, alors autant s’y mettre tant qu’on a un peu de courage.
4. Peux-tu nous dire comment tu as trouvé le temps d’écrire autant ? (et combien d’heures par semaine tu y consacrais environ ?)
J’ai une famille compréhensive et je travaille à temps partiel (je donne des cours de création de livres numériques et d’édition). Pour le projet Bradbury, j’ai voulu me donner du temps, et ce temps, il faut se le créer : ramené de façon très prosaïque, ça veut dire qu’il faut de l’argent pour écrire, au moins un minimum. Ça tombe bien, je me contente de peu. J’y consacrais environ 5 heures par jour, 5 à 6 jours par semaine. C’est une bonne fourchette, car en écrivant beaucoup, on acquiert de la pratique, comme un entraînement de sportif. Plus on écrit, mieux on écrit, du moins c’est ce que j’en retire.
5. En quelques mots, peux-tu nous retracer le processus d’écriture qui a donné naissance à ton texte préféré ?
Je n’ai pas spécialement de texte préféré, c’est une question difficile pour moi. Ordinairement, les textes que j’ai préférés sont ceux qui ont immédiatement coulé de source, comme par exemple « Pour toujours » , une histoire de vampires perdus dans l’espace. L’univers était neuf, j’avais l’impression d’inventer quelque chose (même si on n’invente jamais vraiment) et la chute m’a frappé comme une évidence (ce qui n’est pas toujours bon, mais dans ce cas, j’ai eu de la chance). Ordinairement, les meilleurs textes courts sont, de mon propre point de vue, ceux que l’on écrit d’une traite et qui transpirent littéralement de nos doigts. Ils sont aussi ceux qui sont le plus difficiles à corriger.
6. Même question pour celui qui t’a posé le plus de difficultés ?
Pour « Carte postale » , une nouvelle que je n’aime vraiment pas, je sais que j’ai raté la chute en voulant à tout prix aller à la fin au plus vite. Je n’ai pas pris le temps de comprendre le rythme inhérent aux personnages, j’ai voulu les brusquer, les tordre à mon propre emploi du temps et ça n’a pas marché. Toutes les histoires ont leur cadence, qu’il faut respecter. En plus, la chute n’est pas vraiment compréhensible. J’ai cru être clair alors que je ne l’étais pas. Il faut savoir se souvenir que les gens qui lisent nos histoires ne vivent pas dans nos têtes : il faut expliquer sans être pontifiant, et laisser suffisamment de mystère pour que ce ne soit pas ennuyeux. C’est une alchimie très délicate, comme de la pâtisserie, et quelquefois la recette est ratée, ça ne prend pas.
7. Quels conseils donnerais-tu à un jeune auteur qui voudrait se lancer dans un projet similaire au tien ?
De le faire, tout simplement. Je n’ai pas de meilleur conseil. C’est en forgeant qu’on devient forgeron. Pour ma part, je n’ai fait qu’appliquer un conseil de Ray Bradbury à la lettre : écrire 52 nouvelles en 52 semaines. Je pense que j’y ai beaucoup appris, et que n’importe qui décidant de se consacrer pleinement à l’écriture apprendra tout autant.
Je remercie Neil pour cette interview qui aura sans nul doute intéressé plus d’un auteur ! Si vous voulez connaître le fin mot de ce challenge un peu dément, je vous invite à lire le compte-rendu détaillé du Projet Bradbury sur le blog de Neil Jomunsi. Vous en apprendrez beaucoup sur les coulisses de ce marathon d’écriture !
PS : personnellement, j’ai bien apprécié les quelques nouvelles que j’ai lues et je compte lire les autres. Neil mentionne à la fin de son compte-rendu quelques-uns de ses textes préférés.
Alors là, respect monsieur Neil Jomunsi !
Et merci Jérémie de nous faire découvrir cet auteur et cet exploit.
Car oui, il s’agit là bien d’un exploit.
Il me tarde de découvrir le blog de cet auteur et de lire certaines de ses nouvelles.
Vraiment, ça m’intrigue.
Mais comment prendre le recul nécessaire et pratiquer une relecture efficace en si peu de temps entre chaque phase d’écriture ?
Et que ressent-on lorsque l’on arrive au terme d’un tel marathon ?
Encore bravo à Neil Jomunsi !
Fred
Bonjour Fred,
Merci pour ton commentaire enthousiaste ! Concernant le recul sur le texte et le processus de relecture-correction, je ne voudrais pas répondre à la place de Neil, aussi je t’invite à découvrir la réponse dans son compte-rendu détaillé dans la partie « Motivation, gestion du temps et fabrication » à mi-hauteur de la page.
Quant au(x) sentiment(s) éprouvé(s) à la fin d’un challenge de ce type, si c’était mon cas, je ressentirais sans aucun doute de la satisfaction, à nuancer selon la qualité de ce que j’aurais écrit, et sûrement aussi un peu de soulagement que ce soit fini 😉
(En fait, depuis que j’ai découvert le projet de Neil, l’idée de me lancer dans quelque chose de similaire me trotte un peu dans la tête… Mais ma configuration professionnelle actuelle ne me le permettrait pas et je crois que je préfèrerais être encore plus à l’aise dans ma pratique de l’écriture car il faut être sûr de pouvoir tenir sur la durée)
Bonjour Jérémie,
Un juste milieu serait peut-être de te lancer un défi « 1 nouvelle par mois pendant 1 an » ?
Cela me parait déjà beaucoup !
Et ainsi, tu aurais « davantage » de temps pour travailler la relecture de tes textes, la promotion…
A bientôt,
Fred
Bonjour Fred,
Oui, ça pourrait être un juste milieu en effet 😉 A réfléchir, parce qu’il faut bien choisir la taille du texte pour réussir à publier dans les temps. Tu es bien placé pour savoir qu’un mois pour écrire un livre, ça passe très vite…
J’aimerais attendre de publier ma novella « Une Cité sous Influences » car j’aime beaucoup l’univers et le personnage principal et j’ai dans l’idée qu’il serait intéressant de le développer à travers plusieurs nouvelles, sous forme de mini-enquêtes policières. Je sens que ça me plairait.
A bientôt,
Jérémie
1 nouvelle par semaine, quelle idée dingue !
Alors bravo à Neil Jomunsi ! Et merci de nous avoir fait découvrir ce beau challenge, réussi !
J’essaie déjà 1 nouvelle par mois sur AT (SFF ou blanc) et c’est effectivement compliqué.
Je m’en vais lire quelques textes de Neil du coup.
Bonne soirée
ELEA